Cass. soc. 1-12-2015 no 14-17.701
Le fait pour un salarié d’échanger des mails avec sa subordonnée sur une messagerie privée et hors temps de travail justifie un licenciement pour faute grave s’il dénote de la part de l’intéressé une confusion entretenue entre les sphères privée et professionnelle.
Mais la cour d’appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation, n’est pas de cet avis. Les échanges intervenus entre l’intéressé et l’employée démontraient qu’il avait entretenu une confusion entre les sphères privée et professionnelle, bien que ces mails aient été échangés sur une messagerie personnelle, en dehors des horaires de travail. Les juges du fond ont en effet relevé que ces échanges n’étaient jamais totalement dénués de tout lien avec l’activité professionnelle de sa subordonnée : le responsable de magasin avait exercé à l’encontre de celle-ci une forme de chantage, notamment en lui garantissant l’absence de difficultés professionnelles dans l’hypothèse où elle se conformerait aveuglément aux règles qu’il édictait, au point de la placer dans une situation de dépendance morale. Les juges ont ainsi mis en évidence la mise en place d’un rapport de domination culpabilisant et humiliant envers la salariée qui présentait, en outre, un état psychologique fragile.
Pouvant être rattaché à la vie professionnelle, ce comportement pouvait justifier l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire.
Le rattachement d’un fait du salarié à sa vie personnelle ou professionnelle ne dépend donc pas uniquement d’un cadre « spatio-temporel » (lieu de travail, temps de travail, moyens appartenant à l’entreprise). Si les faits révèlent une porosité entre ces deux sphères, ils sont susceptibles d’être rattachés à la vie professionnelle et d’être sanctionnés (voir déjà en ce sens, à propos de faits de harcèlement sexuel exercés en dehors du temps et du lieu de travail, Cass. soc. 19-10-2011 n° 09-72.672).