La Cour de cassation condamne un avocat à rembourser à l’une de ses entreprises clientes l’intégralité du préjudice subi à la suite d’une mauvaise recommandation de sa part. En effet, sur les conseils de l’avocat, l’employeur avait pris acte de la rupture du contrat de travail de l’un de ses salariés. Une prise d’acte impossible pour l’employeur !
« Nul n’est censé ignorer la loi »… ni la jurisprudence ! C’est ce qu’a appris à ses dépens un avocat spécialiste en droit du travail qui avait mal conseillé l’un de ses clients. Il a été condamné à lui verser l’intégralité des sommes auxquelles a été condamné l’employeur pour licenciement injustifié par le conseil de prud’hommes.
L’employeur prend acte de la rupture du contrat de travail sur les conseils de son avocat !
Un salarié quitte brusquement le bureau de son employeur – et son poste de travail – suite à une vive altercation ; le salarié reprochait à son employeur de fumer en sa présence. L’employeur en avait tiré comme conséquence un abandon de poste alors que le salarié avait mis en avant l’exercice de son droit de retrait. Après lui avoir infligé un avertissement, l’employeur se demande comment agir et demande conseil à son avocat. Ce dernier lui recommande, non pas de le licencier pour abandon de poste, mais plutôt de prendre acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié. Sauf… que cela n’est pas possible !
En effet, la prise d’acte, création à l’origine purement prétorienne, ne peut être utilisée que par le salarié contre son employeur lorsqu’il estime avoir des griefs à son encontre. Une proposition de loi avait bien tenté d’établir la symétrique entre l’employeur et le salarié mais sans succès, le droit du licenciement permettant déjà à l’employeur de rompre le contrat en raison d’une faute du salarié.
La prise d’acte désormais codifiée |
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Depuis la loi du 1er juillet 2014, la prise d’acte est entrée dans le code du travail. Cette loi prévoit qu’en cas de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié, les juges auront un mois pour se prononcer à partir de la saisine,et analyser la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou en démission. |
L’avocat ne s’était pas contenté de donner ce conseil à son client ; il avait même rédigé la lettre de prise d’acte de la rupture par l’employeur. En suivant pas à pas les recommandations de son conseil, l’employeur se fait condamner au prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, la prise d’acte n’étant pas possible pour l’employeur, on se trouvait face à une rupture du contrat sans respect de la procédure de rupture du contrat par l’employeur. Les juges ne pouvaient pas non plus retenir la démission, car celle-ci doit être claire et non équivoque, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
L’employeur se retourne contre son avocat qui est condamné par la cour d’appel de Metz à réparer l’intégralité du préjudice subi par l’employeur, à savoir la somme de 79 719, 77 € correspondant aux condamnations avec intérêts de l’entreprise pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En cassation, l’avocat invoque le fait que le préjudice subi par son client s’analyse en une « perte de chance » et que celle-ci ne peut être indemnisée à concurrence de la valeur totale de la chance perdue.
Mais la Cour de cassation ne l’entend pas de cette oreille et valide le raisonnement de la cour d’appel. Le préjudice subi par la société « ne consistait pas une perte de chance, dès lors qu’en raison, d’une jurisprudence constante, l’employeur qui considère que le contrat est rompu du fait du salarié par une absence injustifiée ou un abandon de poste, doit mettre en oeuvre une procédure de licenciement et ne peut se borner à prendre acte de sa démission ».
(article paru dans les éditions législatives du 30.06.2015)