Prestation compensatoire mixte : pas de déduction du capital versé dans les 12 mois du divorce

CE 15 avril 2016 n° 376785

Une prestation compensatoire n’ouvre pas droit à réduction d’impôt pour le capital libéré dans les 12 mois du mois du jugement de divorce alors que la part de la prestation versée sous forme de rente est déductible. Pour le Conseil d’Etat, le capital versé n’est pas déductible du revenu imposable.

En cas de divorce, les prestations compensatoire en capital versées sous forme d’argent (ou d’attribution de biens) sur une période au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée ouvrent droit pour le débiteur à une réduction d’impôt sur le revenu de 25 % des sommes versées, retenues dans la limite de 30 500 € (CGI art. 199 octodecies, I).

Lorsque la prestation compensatoire est liquidée sous forme de rente sur une période supérieure à 12 mois, le débiteur peut déduire de son revenu imposable les sommes correspondantes acquittées durant l’année d’imposition (CGI art. 156, II-2).

Lorsque la prestation compensatoire est mixte, c’est-à-dire qu’elle est versée pour partie sous forme de capital (en numéraire ou en nature) libéré dans les 12 mois du jugement de divorce et pour partie sous forme de rente, il n’y a pas de cumul des avantages fiscaux. L’article 199 octodecies, II du CGI exclut en effet expressément du bénéfice de la réduction d’impôt les contribuables qui versent une partie de la prestation compensatoire sous forme de rente. Mais le contribuable peut-il déduire de son revenu imposable, en sus des rentes, la part de capital à raison de laquelle il est privé de la réduction d’impôt ?

Saisi pour la première fois de cette question, le Conseil d’Etat répond par la négative.

La convention de divorce prévoyait que le contribuable devait s’acquitter d’une prestation compensatoire au bénéfice de son ex-épouse notamment par le versement en argent d’un capital de 300 000 €, d’une part et par le versement d’une rente de 4 000 € par mois pendant 8 ans, d’autre part. Le contribuable entendait déduire de son revenu imposable la somme payée dans les 12 mois du divorce au motif qu’elle devait, compte tenu du versement ultérieur d’une rente mensuelle, être analysée comme un « des versements d’une somme d’argent effectués sur une période supérieure à 12 mois » entrant dans les prévisions de l’article 156, II-2 du CGI.

Cette argumentation qui ne différencie pas versement d’un capital, éventuellement fractionné, et versement d’une rente, alors même que la distinction entre ces deux types de versements détermine le régime fiscal applicable ne convainc pas le Conseil d’Etat. S’en tenant aux termes de la convention de divorce qui distingue clairement au sein de la prestation compensatoire le versement en bloc d’un capital dès le divorce devenu définitif et le versement de rentes mensuelles sur huit années, la Haute Assemblée retient cette même différenciation et associe à chacun des types de versements leur régime fiscal respectif.

Il résulte de la décision que le débiteur d’une prestation compensatoire mixte ne bénéficie d’aucun avantage fiscal au titre de la partie de la prestation compensatoire liquidée sous forme de capital dans les 12 mois du divorce.

à noter
1. Dans cette affaire, le débiteur de la prestation compensatoire mixte ne peut en tout et pour tout déduire de son revenu imposable que les sommes correspondant aux rentes versées. Corrélativement, le bénéficiaire échappe au droit fixe de 125 € prévu à l’article 1133 ter du CGI et n’est imposable que sur le montant de ces rentes (CGI art. 80 quater).
2. Le régime fiscal de la prestation compensatoire offre des marges d’optimisation fiscale pour chacun des ex-époux. Ainsi, si le capital avait été fractionné sur une période de plus de 12 mois, le débiteur aurait pu déduire ce capital au même titre que les rentes mensuelles mais, de son côté, le bénéficiaire aurait été imposable sur la totalité des sommes. Il appartient aux époux, à leurs conseils et en dernier ressort au juge civil de prendre en compte avec soin, lors de la détermination de la forme et des modalités de versement de la prestation compensatoire, les conséquences fiscales des choix opérés, pour ne pas aboutir à une solution déséquilibrée entre les intéressés.